Stéphanie Gros, nouvelle Présidente du Conseil des Prud’hommes d’Avignon

Le conseil des prud’hommes a organisé le Jeudi 23 Janvier sa rentrée solennelle. L’instance a notamment présenté sa nouvelle présidente. Stéphanie Gros, a été élue il y a quelques jours par le collège des salariés pour un mandat d’un an. Elle remplace Sylvie Brès qui était issue du collège des employeurs.

Stéphanie Gros, militante CGT, est au conseil des prud’hommes depuis 2008. Superviseuse en télésurveillance chez Delta Security Solution implantée en Courtine, elle a fait part de sa crainte de voir la juridiction prud’homale tout simplement disparaître ainsi que les difficultés à exercer son rôle avec des moyens limités, et notamment en raison d’un manque récurrent et criant au poste de greffe.

Discours prononcé par la nouvelle présidente, lors de l’audience solennelle du Conseil des prud’hommes d’Avignon, du 23 janvier 2020 :

 

Bonjour à toutes et tous,

Je tiens tout d’abord à vous présenter mes vœux en ce début d’année: vœux de santé et de justice.

Je remercie de leur présence les personnalités invitées

Monsieur le premier président

Monsieur le procureur de la république

Madame la procureure générale près la cour d’appel de Nîmes

Madame la directrice déléguée à l’administration régionale judiciaire près la cour d’appel de Nîmes

Monsieur le président du tribunal judiciaire

Monsieur le juge départiteur

Mesdames et messieurs les conseillers

L’ensemble du personnel de greffe

Monsieur le bâtonnier de l’ordre des avocats d’Avignon

Mesdames et messieurs les avocats

Monsieur le sénateur de Vaucluse

Monsieur le député de Vaucluse

Monsieur le secrétaire général de la préfecture de Vaucluse

Mesdames et messieurs les présidents des organisations professionnelles et syndicales

Mon organisation syndicale CGT pour son soutien,

 

Depuis le 5 décembre 2019, le succès des mobilisations sur les retraites, les services publics, l’emploi et les salaires, montre que la colère sociale ne diminue pas. Les différentes réformes des gouvernements précédents et actuels visant à réduire les droits des travailleurs et organiser la casse des services publics ne font qu’alimenter cette colère.

La Justice prud’homale en fait les frais comme tous les autres services publics.

Cette instance judiciaire, unique en Europe, est devenue, depuis plus d’une décennie, la cible des gouvernements français, notamment sous l’injonction de la Commission de Bruxelles !

L’objectif est de s’en prendre au dernier maillon de la chaîne : l’accès à la justice pour les salariés dont les droits ont été violés. Avec ces réformes le gouvernement a choisi de neutraliser la justice prud’homale au lieu de lui donner les moyens nécessaires à son bon fonctionnement.

Un rapport Serverin a été publié en juillet 2019, faisant un état statistique de 10 ans d’évolution de nos juridictions prud’homales. Les constats qui en ressortent sont sans appel : la Justice prud’homale s’est éloignée de ses Justiciables, et cela doit tous nous interpeler dans cette Assemblée.

Ce rapport nous dresse le tableau d’une Justice prud’homale dont les saisines sont en chute libre alors que les délais de procédure augmentent.

Si le nombre de saisine a chuté de -42 % en 10 ans, les délais de procédure, eux, ont continué à augmenter ! On est passé d’un délai de 14,5 mois en moyenne en 2004, pour obtenir une décision au fond, à 19,8 mois en 2018. Le délai moyen des affaires en référé est passé de 1,6 mois en 2004, à 2,7 mois en 2018. Si la procédure comporte bureau de conciliation et d’orientation puis bureau de jugement puis départage, le délai passe de 22,8 mois en 2004, à 34,6 mois en 2018 soit une augmentation de 11 mois !

Au niveau local pour notre conseil je suis d’accord avec les chiffres énoncés par monsieur le procureur

Comment expliquer ce hiatus national, entre baisse des saisines et augmentation des délais, si ce n’est par le manque de moyen et de personnel, notamment de greffes, dans les Conseils, ce que nous dénonçons au moyen d’une motion adoptée en assemblée générale le 8 janvier 2019 par les 2 collèges, et lue uniquement par le collège salarié dans chaque section avant chaque bureau de jugement

Pour mémoire, le poste de greffier de la section activités diverses et encadrement est non pourvu depuis 2017,

le poste de greffier de la section commerce est non pourvu depuis avril 2018.

Pour l’année 2019 Monsieur Laugier directeur de greffe est parti au 1° septembre. Madame Delfolie lui a succédé en tant que greffier placé, jusqu’au 15 janvier 2020.

Un greffier placé a été nommé jusqu’au 30 décembre 2019 pour la section commerce et pour partie en section activités diverses. Durant l’année écoulée le Conseil a fonctionné avec une seule greffière titulaire.

Depuis le 1° janvier 2020, le Conseil ne compte plus aucun greffier placé et la greffière titulaire est absente. Seuls restent deux adjoints administratifs. Force est de constater que le personnel ne peut plus assumer sa mission de service public.  

Je ne fais que reprendre ici, les propos de l’intervention de madame Castelli lors de l’assemblée générale du 9 janvier dernier. Cette dernière a en effet alerté l’ensemble des conseillers présents, de la situation plus que critique

Le manque de personnel va se faire d’autant plus sentir avec la mise en œuvre de la loi « de programmation 2019-2022 et de réforme pour la justice», qui a instauré une fusion des greffes du tribunal judiciaire et des conseils de prud’hommes. Il est prévu autant de suppression de poste de greffier qu’il y a de conseil de prud’hommes, via les directions de greffe.

Cette fusion est préjudiciable à notre juridiction. Le conseil est directement impacté. Le constat est sans appel. En effet, un greffier fonctionnel chef de service pôle social et CPH est nouvellement affecté au conseil. Elle doit s’adapter et se former en un temps record aux spécificités de ce nouveau métier. Les demandes adressées au SAR pour bénéficier de personnel sont restées à ce jour sans réponse.

Je remercie l’ensemble du personnel : directrice de greffe, greffier en chef, greffières, adjoints administratifs, rouages essentiels pour la bonne administration de la justice, qui ont tous œuvré sans faille, pour assurer la continuité du service public.

Je tiens à leur signaler que j’ai entendu leur souffrance, leur inquiétude et je m’attacherai à y répondre par tous moyens utiles.

Nous ne sommes pas dupes, après la suppression inacceptable des élections prud’homales, c’est un nouveau pas qui est effectué vers une disparition pure et simple des conseils de prud’hommes!

Le rapport Serverin dresse également le tableau d’une Justice prud’homale «fractionnée», pour reprendre les termes de l’auteure, qui bénéficie surtout aux salariés des grands bassins d’emploi, aux salariés les plus aisés, aux hommes, aux cadres, aux travailleurs en fin de carrière. Une Justice qui sert essentiellement à réparer les salariés licenciés, laissant les illégalités encours d’exécution du contrat de travail non réparées.

On est loin de la Justice prud’homale : accessible, rapide, permettant d’obtenir l’application effective des droits des travailleurs, pour toutes et tous.

Les constats établis par le rapport Serverin sont le fruit des réformes successives: suppressions de conseils de prud’hommes, complexification de la requête, atteinte à l’oralité des débats, prescription raccourcie, barèmes Macron, représentation obligatoire en appel, développement des règlements des litiges hors juges, recours accru au juge professionnel, ruptures conventionnelles, nouveau décret entré en vigueur en ce début d’année signant la fin de la comparution volontaire en BCO avec pour conséquence diverses dispositions du code du travail modifiées, etc… Au fur et à mesure des années, la liste des réformes s’allonge et ce sont les plus précaires qui s’éloignent toujours plus de l’institution judiciaire…

Les conseils de prud’hommes doivent rester une Justice utile aux salariés, jugés par des conseillers qui connaissent la réalité du travail et du lien de subordination: 65 % des jugements au CPH font droit aux demandes des salariés. On constate également que dans 80 % des arrêts rendus au fond par les cours d’appel, ces dernières confirment partiellement ou totalement les décisions rendues par les conseils de prud’hommes, ce qui tord le cou à l’argument favori du patronat sur la mauvaise qualité des décisions des juges non professionnels.

Ces attaques contre la prud’homie sont à mettre en lien avec la répression syndicale virulente des patrons dans les entreprises, et les attaques contre les institutions représentatives du personnel, que le gouvernement a fusionné de force au sein du CSE. Si les salariés ne trouvent plus de moyens de faire valoir leurs droits dans l’entreprise ou par la Justice, il y a fort à parier que la colère sociale qui s’exprime dans la rue ne cessera pas.

Par ailleurs, une brise de panique a soufflé sur les réseaux sociaux depuis quelques jours. Des avocats ont publié un rapport non finalisé intitulé Répartition des effectifs des CPH, émanant de la direction des services judiciaires en date de décembre 2019.

Il s’agirait d’un document de travail de la chancellerie sur la disparition programmée des CPH.

Plusieurs scenarii seraient envisageables:

1- le regroupement de conseils des prud’hommes et le regroupement d’une section agriculture et encadrement par département si l’activité de la section est inférieure à cent affaires par an, la répartition des postes selon l’organisation actuelle et le regroupement d’une section agriculture et encadrement par département si l’activité de la section est inférieure à cent  affaires par an.

2- ou tout simplement la suppression de vingt-deux conseils de prud’hommes

La conséquence nous la connaissons tous : la suppression des effectifs de greffe. Il semblerait que les organisations syndicales  n’aient pas été associées à ce projet de réorganisation judiciaire du contentieux prud’homal.

Mais rassurez-vous , interrogée, la Chancellerie précise qu’il s’agit « d’un groupe de travail convenu dans le cadre des  travaux du Conseil supérieur de la prud’homie pour tenir compte de l’impossibilité pour certains CPH de constituer des sections. L’objectif serait de mieux répartir les conseillers de prud’hommes  entre les CPH afin de réduire la vacance de postes ». La Chancellerie assure qu’il n’est pas question de « toucher au nombre de CPH, raison pour laquelle il s’agit de répartition des effectifs et pas de carte  judiciaire ».                  

 

N’oubliez pas ce vieil adage

Les promesses n’engagent que ceux qui y croient!!!

 

Il est primordial de continuer à se battre pour préserver la spécificité et l’utilité des conseils de prud’hommes, que ce soit sur le terrain de son fonctionnement, de la procédure ou du fond des dossiers, notamment en combattant les barèmes Macron. Il est nécessairede lutter pour l’ensemble des droits des salariés, que ce soit dans les conseils de prud’hommes, dans les entreprises, ou dans la rue.

 

Je terminerai en vous assurant de mon sincère attachement à notre Conseil dans lequel je m’implique depuis le 3 décembre 2008.

 

Je veillerai à l’application du règlement intérieur et du code du travail à travers la mission de présidente du CPH que vous m’avez confiée

 

Je serai également à l’écoute de tous les conseillers, des fonctionnaires publics et des magistrats qui veulent agir pour défendre la juridiction prud’homale.

 

Le conseil de prud’hommes est un instrument de régulation sociale et économique, qui joue un rôle fondamental dans la préservation de la concorde civile.

Les plus pauvres qui sont également les plus démunis ont besoin d’une justice rapide, accessible et efficace.

A un moment où «la justice semble souffrir d’une perte de confiance et de légitimité.», limiter ce droit, c’est courir le risque qu’ils  empruntent d’autres voies, dont on connaît la dangerosité.

 

La justice ne peut pas être à deux vitesses, elle doit être indépendante et égale pour tous.

 

Merci de votre attention

 

 

Stéphanie GROS a donc été élue présidente du CPH.

Puis concernant les sections :

  • Commerce : La vice-présidence revient à FO
  • Industrie : La présidence revenait à la CGT. Stéphane CHARPENTIER est élu président
  • Activités diverses : La vice-présidence revient à FO
  • Agriculture : La présidence revenait à la CGT. Christine ZUCCA est élue présidente.
  • Encadrement : pas de mandaté CGT au sein de cette section.

Concernant le conseil des prud’hommes d’Orange, la vice-présidence revient à la CGT.

Patrick AURUOLLE a été élu vice-président du CPH.

Puis concernant les sections :

  • Commerce : La vice-présidence revient à FO
  • Industrie : La vice-présidence revient à FO.
  • Activités diverses : La vice-présidence revient à FO
  • Agriculture : La vice-présidence revenait à la CGT. Martial RABASA est élue vice-président.
  • Encadrement : pas de mandaté CGT au sein de cette section.

 

 

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