Toutes les études le montrent, la santé au travail ne cesse de se dégrader et de se diversifier. L’intensification du travail entraîne de plus en plus de maladies professionnelles, de troubles musculosquelettiques et surtout de risques psychosociaux et de burn-out.
La santé des salariés n’est pas dégradée à cause du travail, mais avant tout parce qu’ils sont empêchés de pouvoir faire un travail de qualité. Pour ne pas se rendre malades, bon nombre d’entre eux se désengagent, ce qui nuit à la qualité du travail et à l’efficacité de l’entreprise. Ce mal-travail coûte 4 points de PIB par an à l’économie française, soit 80 milliards d’euros (chiffrage du ministère du Travail lui-même).
Dans ce mal-travail, on trouve bien sûr les accidents du travail et les maladies professionnelles qui sont pourtant sous-déclarées (et donc prises en charge par la Sécurité sociale et pas par l’employeur), mais il y a aussi toutes les malfaçons, les rebuts, les voitures rappelées par milliers, les trains construits qui ne passent pas dans les quais de gare… ou encore les catastrophes, comme le « diesel gate », les prothèses mammaires PIP ou l’explosion d’AZF due à une organisation du travail en sous-traitance.
Face à ce constat éloquent, la CGT fait des propositions qui se construisent à partir de trois axes :
• la démocratie au travail
• une démarche de prévention, d’éducation et de promotion du travail et de la santé
• une Sécurité sociale de santé et professionnelle
LA CGT PROPOSE TROIS ACTIONS CONCRÈTES
La citoyenneté au travail
Les experts du travail sont ceux qui le font : les travailleurs salariés ou indépendants. Ce sont eux qui, tous les jours, mettent en oeuvre des tas d’astuces à partir de leur savoir et de leur savoir-faire pour que tout fonctionne.
Si les salariés faisaient exactement ce qu’on leur dit de faire, aucune entreprise ne fonctionnerait aujourd’hui. Cette capacité d’action et d’émancipation doit être reconnue et débattue autour des critères de qualité du travail.
On ne peut pas être citoyen à la cité et se taire au boulot. On ne peut pas demander au salarié d’être réactif, créatif, innovateur et qu’il se taise sur les choix stratégiques de l’entreprise. Il faut inventer un nouvel âge de la démocratie au travail qui aille bien au-delà de la démocratie sociale et permettre le débat sur la qualité du travail. Il est important que les décisions prises dans l’entreprise, jusqu’au plus haut niveau, le soient à partir du critère d’un travail de qualité.
Cela implique de donner du temps et des moyens pour que les salariés puissent débattre, d’abord entre eux, puis avec leur hiérarchie et les représentants du personnel, afin que toutes les décisions prennent en compte la réalité du travail. Pour tous les salariés, le CHSCT doit être ce lieu de débat sur le réel du travail. Il est essentiel de le réintroduire dans les droits des salariés. Il faut transformer le travail et son organisation afin que chacun s’y épanouisse et s’y émancipe.
Une démarche de prévention, d’éducation et de promotion du travail et de la santé
Il faut remettre en cause cette conception de la santé au travail qui, en échange des conditions de travail pénibles ou dégradées, propose des contreparties financières. Le prix à payer pour ce marché de dupes est trop lourd.
Les exemples d’entreprises polluantes sont nombreux. Amiante, plomb, produits chimiques, chacun sait que ces émanations attaquent gravement la santé des salariés, leur espérance de vie et celle des populations environnantes. Faute de prévention et de recherche de reconversions suffisamment prospectives, on reste dans un dilemme impossible à résoudre : si l’entreprise continue, elle tue physiquement. Si elle ferme, elle tue socialement.
Il est donc urgent que tous les acteurs (salariés, employeurs, Sécurité sociale, groupes mutualistes…) s’engagent dans une réelle démarche de prévention et d’éducation du travail et de la santé. Il faut s’attaquer aux causes réelles du mal, et pas seulement aux conséquences. Cela veut également dire qu’il faut s’attaquer aux inégalités sociales, car elles produisent aussi des inégalités de santé. Une frange importante d’ouvriers et d’ouvrières, d’employées et d’employés est plus rapidement en incapacité de travail et en invalidité avec une espérance de vie limitée, comme le souligne l’institut nation d’études démographiques.
La course à la compétitivité – sans jamais aucune ligne d’arrivée – provoque intensification et densification du travail. C’est le travail dégradé et méprisé qui est à l’origine de cette crise. Il y a donc un lien déterminant entre les enjeux du travail et ceux de la santé. Le gouvernement semble l’avoir compris en actant la participation des deux ministères (Travail et Santé) à ce sujet. C’est bien pourquoi la CGT entend porter ses propositions dans les négociations à venir sur l’ensemble du rapport Lecocq sur la santé au travail.
Une sécurité sociale de santé et professionnelle
La CGT revendique l’urgence et la pertinence d’une approche intégrant sécurité sociale santé et sécurité sociale professionnelle. Cette perspective s’inscrit dans une dynamique de lutte contre tous les processus d’exclusion et pour une politique de prévention de la désinsertion professionnelle.
Nous proposons que les droits soient attachés à la personne, transférables et opposables à toute entreprise, alors qu’aujourd’hui, lorsqu’on quitte une entreprise volontairement ou involontairement, trop souvent il faut recommencer à zéro.
Comme pour la sécurité sociale de santé, la sécurité sociale professionnelle s’inscrit dans une démarche de prévention : celle de la perte d’emploi. C’est la revendication de la CGT contre les licenciements.
C’est une sécurisation en cas de perte d’emploi et pour permettre – notamment par la formation professionnelle – de rebondir et poursuivre son cursus professionnel sans perte d’ancienneté et de qualification.
La santé est globale : elle interroge le travail autant que le hors travail. Elle ne se limite pas à un bien-être physique, psychique et social, comme le défini l’OMS (Organisation mondiale de la santé). Elle implique également d’être capable d’assumer ses actes, de créer, d’être utile, de tisser des liens avec les autres et l’environnement, d’avoir la capacité de se projeter, ce qui manque cruellement aux jeunes générations aujourd’hui.
La CGT entend engager une démarche de reconquête de la Sécurité sociale avec une vocation et une mission de tenir fermement les fils qui relient santé au travail et santé publique. Cette démarche pourrait se traduire en territoire par la mise en place de maisons du travail et de la santé au service d’une reconquête de la prévention et du bien-travailler.