Quelles conséquences de la réforme des retraites sur les travailleurs et les travailleuses ?

Les arguments fallacieux du gouvernement se sont multipliés ces derniers mois. Notre système de retraite serait en faillite, une réforme serait nécessaire pour le sauver. La réforme déjà votée permettrait aussi d’augmenter les petites pensions et de mieux prendre en compte la pénibilité… La répétition ne fait pas la véracité des propos et le mouvement social historique en ce début d’année 2023 ne s’est pas laissé duper.

Comme l’a montré de façon très claire le Conseil d’Orientation des Retraites (COR), notre système est actuellement excédentaire de près de 900 millions d’euros en 2021 et devrait dégager un excédent de 3,2 milliards d’euros en 2022 (soit 0,1 point de PIB). Néanmoins, le gouvernement envisage des économies de 17,7 milliards pour 2030 dont 13,5 milliards pour financer les déficits estimés et 4,2 milliards qui devraient permettre de financer des mesures de saupoudrage, loin des besoins de la population.

Insistons sur le fait que la prévision de déficit du gouvernement est totalement contestable puisqu’elle serait due principalement entre 2021 et 2027 à une dégradation des ressources du régime de retraite à cause de la maîtrise des dépenses de personnel du secteur public et du développement des primes. Entre 2027 et 2032, ce déficit résulterait majoritairement d’un effet statistique lié aux hypothèses économiques du gouvernement.

En tout état de cause, à plus long terme et malgré le vieillissement de la population, la part des dépenses de retraite serait stable voire en diminution par rapport à la richesse nationale.

Jusque-là, rien n’a changé depuis le mois de janvier. Ce qui n’a surtout pas changé, c’est l’impact terrible d’une telle réforme sur la santé des travailleurs et des travailleuses, notamment sur leur capacité à obtenir une retraite pleine et sans décote.

Les points essentiels de la réforme :

  • Report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans pour tous les actifs « indépendants, salariés, et fonctionnaires » à raison de 3 mois chaque année jusqu’en 2030 ;
  • Accélération des mesures Touraine : 43 ans de cotisations seront requis dès la génération 1968 ;
  • Suppression des régimes spéciaux pour les nouveaux embauchés au 1er septembre 2023 ;
  • Minimum de pension pour une carrière complète qui ne sera pas relevée à 1200 euros ;
  • Le dispositif carrière longue est partiellement remis en cause : la pénibilité est de moins en moins compensée par des départs anticipés.

Le tableau ci-dessous synthétise les points centraux de la réforme des retraites. Il met en parallèle la situation avant et après la réforme permettant d’identifier les attaques contre notre modèle social et notre système des retraites.

 

La réforme ne se limite pas à ces modifications. Si celles-ci sont déjà très graves pour la santé des travailleurs et des travailleuses, d’autres mesures viennent dégrader plus encore notre système des retraites. 

La réforme en détail Report de l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite, accélération des mesures Touraine et dispositif carrières longues… 

Ce tableau détaille le calendrier du report de l’âge légal d’ouverture des droits. Comme indiqué, le report de l’âge s’effectuera selon un calendrier de 3 mois par an. Le report à 63 ans sera donc effectif au 1 er janvier 2026. Exemple une travailleuse née en 1964 et qui pouvait partir à 62 ans devra, avec cette réforme, partir à 63 ans au 1 er janvier 2027. 

 Calendrier du report de l’âge légal d’ouverture des droits 

a réforme Touraine de 2014 qui devait venir compenser l’augmentation de l’espérance de vie par une augmentation de la durée d’assurance requise pour atteindre 172 trimestres pour la génération 1973 s’accélère pour atteindre 172 trimestres pour les générations à partir de 1965. 

…supportées par de nombreuses mesures antisociales 

Le gouvernement poursuit la casse des régimes dits spéciaux, en réalité pionniers, de retraite en se reproduisant pour la RATP, les clercs et employé.e.s de notaires, les personnels de la Banque de France ainsi que les membres du Conseil économique social et environnemental, et les Industries électriques et Gazières ce qu’il avait déjà fait pour la SNCF en 2019. 

Ainsi à partir du 1 er septembre 2023, les nouveaux et nouvelles embauché.e.s dans ces entreprises et secteurs seront obligatoirement affilié. e.s au régime général pour leur retraite de base et complémentaire. Cette annonce fait système avec la casse des statuts et la privatisation des entreprises autrefois publiques. 

Elle va à rebours complet de la reconnaissance de la pénibilité dans ces secteurs et remet en cause l’attractivité des métiers. Le gouvernement justifie cette suppression au nom d’une organisation du travail révolue dans ces entreprises et au nom de la suppression des inégalités de traitement avec les salarié.e.s du privé. 

Modification du C2P  

Pour faire passer la pilule, le gouvernement promet une meilleure prise en compte de la pénibilité tout au long de la carrière, via le Compte Professionnel de Prévention ( Deux critères ( seront donc améliorés pour l’acquisition des points ces mesures déjà bien insuffisantes ne cacheront pas l’arnaque que représente le C2P et la promesse d’une prise en compte de la pénibilité en 2020, seulement un peu moins de 2 900 salarié.e.s ont pu convertir leurs points pour bénéficier d’une majoration de durée d’assurance. La faute à un dispositif trop restrictif, mal pensé et très peu effectif. 

L’exclusion dans le C2P (Compte Professionnel de Prévention) de 4 critères de pénibilité (manutention manuelle de charges, postures pénibles vibrations mécaniques et agents chimiques dangereux) ainsi que les seuils d’exposition très élevés font qu’il ne bénéficie qu’à quelques milliers de salarié.e.s chaque année, composé à 75% par des hommes. La pénibilité des métiers féminisés est invisibilisée (port cumulé de charges, port de personnes, bruit de personnes, postures pénibles, charges émotionnelles…) 

Le transfert de cotisations entre la branche AT MP et la branche vieillesse remet en cause le calcul et les équilibres de la tarification sous couvert des excédents de la branche. Or, ceux-ci sont en partie artificiels du fait de la sous déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles. 

En effet, le niveau de compensation entre la branche AT MP et la branche maladie, inférieur à la fourchette d’estimation de la Cour des comptes, montre la complicité du gouvernement à cet artifice, au détriment des travailleurs et travailleuses, de la prévention et de la réparation. 

Ce transfert à la branche vieillesse se traduit par une baisse de cotisations, alors que le recul de l’âge de départ en retraite impactera forcément la branche du fait de l’usure des salarié.e.s, de l’augmentation des pathologies et donc du coût de la réparation. 

La revalorisation du Minimum contributif : Avant la réforme, il s’agissait d’un dispositif automatique dès lors que l’on effectuait une carrière complète, à taux plein, et que l’on liquidait toute sa pension de retraite et que le total de celle-ci était inférieur à 1309,75 (1 er janvier 2023).  

Le montant maximum versé peut être de 684,14 brut par mois ou 747,57 brut par mois si le/la travailleur.euse a cotisé au moins 120 trimestres. La réforme devrait augmenter en moyenne les pensions des nouveaux et nouvelles retraité.e.s éligibles au MICO (Minimum contributif) de 33 euros et celle des ancien.nes de 56 euros ne permettant pas d’atteindre les 1200 euros ou 85% du SMIC. 

La revalorisation du minimum de pension concerne essentiellement les carrières complètes et à temps complet. Or 40% des femmes ont une carrière incomplète. Ce chiffre monte à 83% parmi les retraité·es touchant une pension de moins de 1000 euros, particulièrement chez les femmes. 

Une réforme bénéfique aux femmes ? Aujourd’hui, la pension moyenne perçue par les femmes est inférieure de près de 40% à celle des hommes. Même en prenant en compte les pensions de réversion et de la majoration pour enfants, la retraite moyenne des femmes reste inférieure de 25,2% à celle des hommes. 

Pour cause, à chaque fois que l’on repousse la durée de cotisation requise, on la rend toujours moins atteignable pour les femmes, notamment par l’absence de politiques ambitieuses d’égalités F/H et des temps partiels subis En 2020, 26% des femmes salariées à temps partiel le sont pour s’occuper de leurs enfants ou d’une personne dépendante. 

 Allonger encore la durée de cotisation creuserait donc encore le fossé des inégalités entre les femmes et les hommes. 

 Quels effets sur la santé et l’emploi ? 

Dans une étude parue le 11 mai 2023, l’INSEE revient sur l’impact d’un report de l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite sur la situation des travailleurs et travailleuses proches de la retraite. En prenant pour exemple le passage de 60 à 62 ans, ce travail indique que le sas de précarité s’étend avec le report de l’âge d’ouverture des droits. Pour rappel, Le sas de précarité correspond à une situation où les personnes ne sont ni en emploi ni en retraite (NER) 

Un report de l’âge d’ouverture des droits aggrave les injustices sociales comme le montre le profil des travailleurs ni en emploi, ni en retraite : 

  • Il s’agit essentiellement de femmes et leur proportion croît à mesure que l’âge avance, d’où la difficulté à obtenir une retraite à taux plein. Elles ne sont d’ailleurs plus souvent ni en emploi, ni en retraite pour raison de santé ou parce qu’elles sont en situation de handicap… 
  • Les NER sont également plus souvent concernés par des situations de maladie ou des problèmes de santé chronique que les personnes en emploi, et sont également plus souvent reconnu.e.s en handicap 
  • Ils/elles sont également moins diplômé.e.s et plus fréquemment issu.e.s de qualifications employé.e ou ouvrier.e. 

 Rien d’étonnant ! Comme la CGT l’avait déjà indiqué, un tel report de l’âge va plonger bon nombre de travailleurs et travailleuses dans la précarité. 

D’ailleurs, l’Inspection Générale des affaires sociales alertait déjà la première Ministre Borne en décembre sur le fait que le passage de 60 à 62 ans avait eu pour effet des périodes de chômage conséquentes pour les travailleurs et travailleuses. 

« Les deux années supplémentaires nécessaires pour atteindre l’AOD (Âge d’Ouvert ure des Droits) s’étant ainsi caractérisées, de manière significative, par des périodes de chômage supplémentaires ». 

 L’augmentation du nombre d’annuités à valider, en lien avec le report de l’âge de départ à la retraite, entrainera donc un allongement du sas de précarité et une baisse massive du nombre de travailleurs et travailleuses en capacité d’atteindre une carrière complète (avec des répercussions sur le niveau des pensions). 

 Face à cela, la mobilisation continue. Pour la CGT, c’est toujours 60 ans 

 Il est donc urgent de défendre collectivement la baisse de l’âge légal de départ à la retraite avec un niveau de pension en aucun cas inférieur au niveau du SMIC proposé par la CGT (2 000 euros bruts). 

 Le système des retraites doit être fondé sur le travail grâce aux cotisations sociales (salaire socialisé), fondement de la solidarité entre les jeunes et les plus âgé.e.s. Ce principe assure la pérennité de la retraite pour les générations futures et garantit la possibilité d’augmenter les recettes pour répondre aux besoins de tous et toutes. 

 Contre toutes ces attaques, la mobilisation continue : 

 Le 6 juin 2023 dans la rue 

Le 8 juin à l’Assemblée Nationale 

 Pour soutenir le projet de loi abrogeant le report de l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite à 64 ans, première étape de la suppression intégrale de cette contreréforme antisociale. 

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